Aurélie Bidermann vs. Aurélie Bidermann - Conflit entre droit des marques et droit moral

19/10/2025

Un conflit emblématique entre droit moral et droit des marques

Peut-on utiliser son propre nom pour promouvoir ses créations quand celui-ci est aussi une marque déposée par un tiers ?

Une décision récente du Tribunal judiciaire de Paris (11 septembre 2025, RG n°21/00963) éclaire cette question , opposant une créatrice de bijoux, Mme Aurélie Bidermann, à la société AMS Design, titulaire de la marque européenne « Aurélie Bidermann ». Ce litige, qui implique aussi les enseignes Massimo Dutti, rappelle aux artisans, créateurs et entrepreneurs l’importance de bien distinguer droit moral d’auteur et droit des marques, sans quoi ils risquent de commettre des actes de contrefaçon.

Les faits : Une collaboration qui tourne au conflit

En 2020, la société 25 RKB, dirigée par Mme Aurélie Bidermann, collabore avec Massimo Dutti pour créer une collection capsule de bijoux, « Curated Pieces ». Les produits sont commercialisés sous la mention « Mademoiselle Aurélie Bidermann », apposée sur les bijoux, les emballages et les étiquettes, à côté de la marque Massimo Dutti.

Problème : AMS Design, qui a acquis en 2016 les droits sur la marque « Aurélie Bidermann» (déposée en 2013 pour des produits de joaillerie et bijouterie), ainsi que les droits patrimoniaux sur le nom patronymique de Mme Bidermann, assigne les parties pour contrefaçon de marque, concurrence déloyale et parasitisme.

Mme Bidermann et la société 25 RKB invoquent quant à elles le droit moral de l’auteur, arguant que la mention « Mademoiselle Aurélie Bidermann » n’est qu’une signature, expression de la paternité de la créatrice.

La problématique juridique : Nom patronymique vs marque déposée

Le cœur du litige repose sur une question cruciale : L’usage du nom de la créatrice relève-t-il du droit moral de l’auteur (droit à la paternité) ou constitue-t-il un usage à titre de marque, susceptible de contrefaçon ?

La solution du tribunal : L’usage du nom comme marque, pas comme signature

Le Tribunal considère que l’apposition du signe « Mademoiselle Aurélie Bidermann » sur les bijoux, les emballages et les étiquettes, à côté de la marque Massimo Dutti, relève d’un usage à titre de marque, et non d’une simple signature.

Pourquoi ?

  • Le signe est utilisé de manière systématique et commerciale, comme un identifiant de la collection, et non comme une mention accessoire.
  • Le public perçoit « Mademoiselle Aurélie Bidermann » comme une marque associée à Massimo Dutti, créant un risque de confusion avec la marque « Aurélie Bidermann » d’AMS Design.
  • Le Tribunal rejette l’argument du droit moral : le droit à la paternité ne permet pas de contourner les droits d’un titulaire de marque, surtout quand la créatrice a cédé ses droits patrimoniaux sur son nom.

Conséquence : Les sociétés Massimo Dutti et 25 RKB sont condamnées, pour contrefaçon par imitation de la marque « Aurélie Bidermann », notamment à payer la somme de 75.000 euros de dommages-intérêts.

Impact pratique pour les créateurs et entrepreneurs

1. Attention aux cessions de droits sur son nom patronymique

  • Si vous cédez les droits sur votre nom à une société (comme Mme Bidermann l’a fait en 2016), vous ne pouvez plus l’utiliser commercialement sans autorisation, même pour signer vos créations.
  • Conseil : Bien négocier les clauses de cession et prévoir des exceptions pour l’usage de votre nom à titre personnel ou artistique.

2. Distinguer signature et usage commercial

  • Une signature (ex. : « Créé par [Nom] ») peut être tolérée si elle est discrète et ne crée pas de confusion.
  • Un usage systématique et visible (sur les produits, emballages, étiquettes) sera considéré comme un usage de marque, surtout s’il est associé à une autre marque (ex. : Massimo Dutti).

3. Vérifier les droits avant toute collaboration

  • Avant de collaborer avec une marque, vérifiez que vous avez le droit d’utiliser votre nom (ou tout autre signe) pour promouvoir la collection.
  • Conseil : Faire auditer les contrats par un avocat spécialisé en propriété intellectuelle pour éviter les risques de contrefaçon.

Conclusion : Un rappel à la prudence pour les créateurs

Cette décision rappelle que le droit moral ne prime pas automatiquement sur le droit des marques, surtout quand le créateur a cédé ses droits. Pour les artisans, entrepreneurs et créateurs, la leçon est claire :

  • Ne pas sous-estimer les conséquences d’une cession de droits sur son nom ou ses créations.
  • Bien encadrer l’usage de son nom dans les collaborations commerciales.
  • Consulter un avocat avant de s’engager dans des partenariats impliquant des marques ou des noms protégés.

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